Jean-Baptiste Louis Carré est né le 12 avril 1749 à Varennes-en-Argonne. Il est le fils d’Alexandre Louis Carré, avocat en parlement et procureur au baillage de Varennes, et de Marie Françoise Bliart. (Les Carré obtiennent de Louis XV en 1769 d’adjoindre à leur nom celui de Malberg, du nom de l’ancien fief où s’élève leur vaste maison).
Après de brillantes études, il est admis à l’École du génie de Mézières, démissionne puis devient officier de la Maison du roi à Lunéville en 1769. Un an plus tard, la vie militaire ne lui convenant pas, il quitte la garnison et revient à Paris pour suivre des cours de droit, mais aussi des leçons de peinture auprès de Charles Louis Clérisseau. Artiste reconnu, Carré exécute pour l’impératrice Catherine II de Russie des projets de monuments et des copies de chefs d’œuvre de la galerie des Glaces mais il refuse de s’expatrier pour devenir le conservateur de son cabinet. En 1771, au moment de la suppression des parlements par le chancelier Maupéou, Carré rédige contre la nouvelle magistrature un pamphlet illustré de dessins intitulé « Trigaudin le Renard ou le procès des bêtes ». En 1772, il dresse un plan de Varennes que son fils remet en juin 1856 à Alexandre Dumas, de passage dans la ville pour retrouver des témoins alors qu’il prépare son livre « La route de Varennes ».
Devenu avocat à la Cour souveraine de Nancy, Jean-Baptiste Carré se marie le 1er février 1774 avec Jeanne Françoise Chemery et s’installe à Varennes ; il devient lieutenant particulier au baillage du Clermontois. Il emploie ses loisirs à l’étude des sciences physiques et naturelles, se passionne pour les arts mécaniques et l’étude des armes, correspond avec Buffon et Benjamin Franklin. Cette même année, ses travaux sur la géologie signalent d’importants gisements de sel gemme dans la vallée de la Seille, au pied des Vosges. Les recherches effectuées en 1819, d’après son mémoire déposé à l’Académie Stanislas de Nancy, confirmeront ses prévisions. En 1785, il succède à son père comme maître particulier de la maîtrise des Eaux et Forêts de Clermont et l’année suivante, il quitte Varennes pour s’installer dans cette ville. Il commence un ouvrage sur la flore argonnaise avec des gravures colorisées mais les événements politiques le forcent à interrompre ce travail qui restera inachevé et perdu. Son épouse décède après l’accouchement de son dixième enfant. Il se remarie le 28 août 1787 avec Henriette Madeleine Joséphine Delavigne qui lui donnera treize enfants.
Dès les prémices de la Révolution, Carré abandonne le nom de Malberg et supprime tous ses papiers compromettants. Le 23 septembre 1790, il est nommé receveur des finances du district de Clermont. Élu major de la garde nationale de la ville le 31 août 1789 et devenu deux ans plus tard colonel des gardes nationales du Clermontois, Jean Baptiste Carré est directement impliqué dans les événements du 21 juin 1791, tant à Clermont qu’à Varennes. Dans la relation qu’il fait des événements qu’il a vécus, il écrit qu’il rencontre la famille royale le 22 juin vers 6 heures chez le procureur Sauce et que, pendant que le roi dormait, il expose à la reine la situation défavorable dans laquelle sa famille se trouve. La reine, avertie qu’un grand nombre de hussards et de dragons ont fait défection et que les gardes nationaux arrivent de toutes parts, éveille alors le roi et le convainc de rentrer à Paris. Carré dit encore avoir escorté le roi jusqu’à Clermont et lui a dit sa peine de ne pas pouvoir le suivre jusqu’à Paris, ne pouvant en ces moments d’effervescence abandonner son épouse et ses enfants qui seraient alors exposés à de graves dangers.
Par décret de l’Assemblée nationale du 18 août 1791, Jean-Baptiste Carré et son beau-frère Louis Bédu, respectivement colonel et major de la garde nationale de Clermont, sont récompensés chacun d’une somme de 6 000 livres pour leur rôle dans l’arrestation du roi Louis XVI. Ils abandonnent les 12 000 livres à la municipalité qui prend possession de l’ancien collège ecclésiastique saisi comme bien national, en versant la somme de 4 753 livres à Jacques Henry, avocat à Montzéville, créancier de l’abbé Charpentier, son ancien propriétaire. Cette maison deviendra plus tard l’hôtel de ville qui a brûlé le 5 septembre 1914.
A Clermont, la maison de Carré sert d’oratoire à l’abbé Mennehand. Le prêtre déporté à Rochefort à bord du Washington en juillet 1794, mais de retour dans la ville en avril 1795 après la chute de Robespierre, vient célébrer en secret la messe dans une chambre improvisée en chapelle après sa nouvelle condamnation à la déportation qui l’oblige à vivre caché depuis la loi du 6 septembre 1795.
Carré fait paraître en 1795 ou 1797 sous le nom de « J.B.L. Carré de Clermont la Meuse » l’ouvrage qu’il avait préparé en 1783 mais qui avait été censuré car jugé trop critique à l’égard du pouvoir royal, tout comme en 1795 car jugé trop complaisant à l’égard de l’ancien régime. Les deux tomes de cet ouvrage intitulé « La Panoplie » contiennent la réunion de tout ce qui a trait à la guerre.
Il quitte Clermont en janvier 1798 pour s’installer à nouveau à Varennes, place du Château. Carré est nommé juge de paix du canton de Varennes le 1er janvier 1802 et en 1803, le 1er consul Bonaparte le nomme président du canton. Le 2 juillet 1807, Napoléon le confirme pour dix ans dans ses fonctions de juge de paix. En 1814, le prince de Condé, rétabli dans ses domaines, le fait inspecteur de ses forêts et le duc de Berry lui décerne la décoration du Lys. Sur proposition de son ministre de l’Intérieur Vaublanc, Louis XVIII l’élève au rang de chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur le 12 février 1816. Admis à la retraite en 1823, Jean Baptiste Carré décède à Varennes le 16 février 1835.
Homme de génie et véritable touche-à-tout, Carré, royaliste mais prudent, a pourtant été membre de la Société Populaire de Clermont, gage de patriotisme et d’adhésion à la politique nationale ; il est même devenu le président. Attaqué sur son rôle dans l’arrestation de Louis XVI, il s’est défendu des calomnies à son égard, arguant du fait qu’en allant à Varennes à la tête de la garde nationale de Clermont, il n’avait fait qu’obéir aux ordres reçus et que s’il avait collaboré, c’était pour sauver des nobles et des prêtres des mains des massacreurs.
A la Restauration, Jean-Baptiste Carré ne reprend pas son titre de Malberg et ne fait pas rectifier les actes de naissance de ses enfants établis sous le nom de Carré seulement. Ce n’est qu’en 1875 puis 1903 que ses petits-fils obtiennent qu’à leur nom soit ajouté celui de Malberg puis Malberck.